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Un système à part entière

Étendard de l'École Pei Mei - Enseignement traditionnel
Étendard présent dans toutes les Écoles traditionnelles de Pei Mei à travers le monde.
"Pei Mei, fondateur de l'École, enseigne la quintessence du Tigre et du Léopard, et les Immortels cachés enseignent le Dragon, la Grue et le Serpent"

Vietnam, automne 2025, le taux d'humidité dépassait les quatre-vingt-dix pour cent et une chaleur accablante enveloppait la ville d'un manteau moite.

Le ciel, d'un gris menaçant, avait tenu ses promesses.

Dehors, la pluie tropicale s'abattait avec une telle violence qu'elle rebondissait en gerbes compactes sur le bitume, jaillissant jusqu'à dix centimètres au-dessus du sol, comme si la terre elle-même tentait de repousser l'assaut céleste.

En cette fin de journée de septembre, le Grand Maître Nam Anh accueillait quelques-uns de ses disciples venus d'Occident, conviés à un séminaire consacré au Kung Fu Pak Mei.

Après avoir ouvert l'autel et fait résonner le bol chantant en quinze coups méthodiques, il invita sans un mot les élèves à accomplir le salut rituel, geste empreint de respect et de tradition.

Ce jour-là, le cours serait entièrement dédié à la théorie.

Les élèves s'assirent en tailleur et attendirent en silence.

Le Grand Maître, d'un ton calme, leur demanda si certains souhaitaient poser une question.

Par égard pour leurs condisciples, aucun ne se risqua à prendre la parole en premier. Un silence dense s'installa, suspendu dans l'air humide.

Puis, timidement, une main se leva.

Le Grand Maître acquiesça d'un regard. — Grand Maître, pourquoi le salut du Pak Mei est-il si long ? Les mouvements ont-ils une signification symbolique ?

Le Grand Maître Nam Anh esquissa un sourire discret.

Le tumulte de la ville semblait s'être évaporé.

Dans le dojo, un silence de velours s'était abattu, imperméable aux grondements de la circulation saïgonnaise et au martèlement frénétique de la pluie sur les vitres.

Tous les regards étaient tournés vers le Grand Maître, suspendus à ses mots. — Le salut du Pak Mei n'est pas le seul à s'exprimer par une longue séquence de gestes. Les pratiquants du Wu Dang, par exemple, saluent dans les cinq directions.

Il marqua une pause, puis reprit : — Dans le Pak Mei, le salut s'oriente vers trois points cardinaux. Au Nord, face à vous : le présent. À l'Ouest, sur votre gauche : le passé. À l'Est, sur votre droite : le futur. Ce rituel incarne une maxime que nous portons en nous : « Dans ma pratique présente, j'honore le passé pour préparer le futur. » C'est un engagement intime envers la tradition pluriséculaire du Pak Mei et envers sa transmission aux générations à venir.

Le Grand Maître posa sur chacun de ses disciples un regard profond et estima que le moment était venu d'ensemencer les esprits de savoirs longtemps gardés en silence.

Il poursuivit : — Savez-vous que le salut d'un maître de Pak Mei diffère du salut traditionnel de ses pratiquants ? La main gauche demeure en position d'œil de phénix, tandis que le poing droit ne conserve que l'index dressé vers le ciel. Puis, en fin de salut, le maître de Pak Mei se redresse. Sa devise est : « Sous le Ciel et sur la Terre, je suis l'unique. ».

Un nouveau silence s'installa. Puis, avec un sourire teinté de malice, il ajouta : — Arrogant, n'est-ce pas ?… J'ai longtemps cherché à en percer le sens. Et j'ai compris que la plus juste interprétation était : « En transcendant les arts, je deviens Un. ».

Dans le dojo, les élèves méditaient en silence, imprégnés par la profondeur des paroles du Grand Maître.

Le Grand Maître marqua une nouvelle pause, comme pour laisser aux esprits le temps d'absorber ce fragment d'histoire. Puis, d'une voix posée, il reprit : — Le Pak Mei, bien qu'issu de la tradition martiale chinoise, ne s'inscrit pas dans la lignée directe du système Shaolin. Il est né d'un cheminement singulier, d'une quête intérieure menée par son fondateur, qui, pour des raisons que l'histoire n'a pas entièrement révélées, choisit de s'éloigner des sentiers battus.

Le Grand Maître Nam Anh d'un geste souple de la main désigna l'étendard de l'École qui figurait sur l'autel. — Ce caractère, expliqua-t-il, représente le « feu inversé ». C'est ce que Pak Mei est allé chercher au Mont Er Mei, auprès des sages taoïstes. Là-bas, il n'a pas seulement appris des techniques : il a absorbé une philosophie, une manière de percevoir le monde, le corps et l'énergie qui les relie.

Les élèves, toujours en silence, suivaient chaque mot comme on suit le fil d'un enseignement précieux, tissé dans le calme. — Le Pak Mei, poursuivit le Grand Maître, est un art de rupture et de synthèse. Il rompt avec les formes établies pour mieux les transcender. Il ne cherche pas à imiter, mais à intégrer. C'est pourquoi sa gestuelle est à la fois explosive et contenue, brutale et raffinée. Elle est le reflet d'un esprit qui ne se laisse enfermer ni par les dogmes, ni par les écoles.

Il posa les mains sur la table devant lui et son regard se fit plus intérieur. — Lorsque vous pratiquez le Pak Mei, vous ne répétez pas machinalement des gestes : vous incarnez une intention. Chaque mouvement est porteur d'une mémoire, d'un souffle, d'une vision. C'est cela que vous devez chercher. Non pas la forme, mais le fond. Non pas la force, mais la justesse.

Un frisson parcourut l'assemblée. Dehors, la pluie continuait de battre le pavé, mais dans le dojo, le temps semblait suspendu.

Nam Son, mise en récit d'une leçon du Grand Maître Nam Anh
3 octobre 2025 - Ho Chi Minh Ville